LE SOIR

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BRUSSELS 2016

BELGIUM



MAGAZINE : Le Soir

TITLE : l’Architecte de l’Optimisme

JOURNALIST : Daniel Couvreur

DATE : January 2016

FROM : Brussels






Vincent Callebaut, l’architecte belge de l’optimisme rêve et bâtit les villes du futur sur terre comme sur mer. Il construit sur tous les continents et anticipe l’accueil des réfugiés climatiques.

L’ARCHITECTE DE L’OPTIMISME

Vincent Callebaut est né en 1977. Il a étudié l’architecture à Bruxelles, à l’Institut Victor Horta. Dans les années 2000, il a secoué la capitale de l’Europe de projets imaginatifs. Son crayon optimiste a posé une verrière au-dessus de la Grand-Place, un grand aquarium au quartier Nord, une marina au canal, un centre d’art contemporain Porte de Namur… Mais avant d’avoir eu l’opportunité de construire quoi que ce soit, il a compris que cette ville n’était pas taillée à sa mesure, le jour où le bourgmestre François-Xavier de Donnea a décrété qu’on ne pouvait voir aucune tour depuis le bacon de l’Hôtel de Ville. Au contraire de la Belgique, l’Asie a pris ses rêves futuristes au sérieux.

C’est à Taipei qu’il érige sa première tour bioclimatique. Avec le réchauffement de la planète, ses idées ont trouvé un nouvel écho, au point que Paris lui a demandé de dessiner son avenir. Et Bruxelles ? Sa ville natale en est encore à fermer ses tunnels sans penser à demain. Les rêves de Vincent Callebaut sont pourtant réalisables. Contrairement aux Belges, les Chinois y croient.

Il faut oser rêver la ville de demain, accélérer l’innovation, anticiper le changement climatique. Maître de la bio-architecture, Vincent Callebaut construit à Taipei, au Caire ou à Port-au-Prince. Il réfléchit au Paris vert de 2050 dans un livre sur les cités fertiles. L’architecte belge projette des villes flottantes pour les 250 millions de réfugiés climatiques attendus dans les trente prochaines années. Et suggère à la Région bruxelloise de profiter de la fermeture des tunnels pour y aménager des trottoirs, des pistes cyclables et des commerces.

La question est posée dans le contexte de la fermeture des tunnels bruxellois : la ville ne pourrait-elle s’en passer, plutôt que de les rénover ?

Pas dans l’immédiat car les transports en commun ne pourraient pas absorber le surplus de navetteurs. Mais il faut dépasser la problématique de la fermeture pour anticiper l’avenir. Même avec les tunnels ouverts, en 2001, j’allais déjà plus vite de la Porte de Namur à Forest à vélo qu’en voiture. Cela fait 25 ans que Bruxelles reporte le débat de la mobilité et de la durabilité. Le futur on ne doit pas le penser demain mais aujourd’hui. La fermeture des tunnels n’est que la partie émergente de l’iceberg de la non-gestion de la capitale. Des réponses possibles, il y en a. Il faut profiter de ces travaux pour penser à plus long terme. Pour ma part, j’imaginerais des tunnels différents avec un éclairage et une ventilation naturelle assurée par des tours antismog, capables de filtrer l’air par phyto-épuration, comme j’en utilise déjà au Caire (lire ci-contre). Et comme on en imagine à Paris pour les tunnels de la petite ceinture du chemin de fer. On pourrait aussi en profiter pour anticiper l’essor des voitures hybrides et électriques, en installant des trottoirs, des pistes cyclables et même des commerces dans ces espaces souterrains. C’est une manière de réenchanter la ville et de gagner de précieux mètres carrés pour faire face à l’augmentation inexorable de la population urbaine. Quant à réduire la pression automobile, plutôt que de surtaxer pour les dissuader d’entrer en ville, je préfère la voie pratiquée à Rotterdam, où le covoiturage bénéficie de réductions d’impôts. Des applis pour smartphone permettent ainsi de remplir les voitures facilement et de désengorger le trafic en utilisant simplement l’intelligence humaine, plutôt que de faire des dépenses d’infrastructure. Cela génère aussi de nouvelles manières de vivre ensemble.

Vous êtes considéré partout dans le monde comme un prophète du développement urbain durable. Comment voyez-vous l’avenir de Bruxelles ?

On sait que la ville va continuer de gagner des habitants, alors que son territoire régional est figé. On pourrait prévoir de nouvelles tours d’habitation à chaque porte de la petite ceinture, densifier les transports en commun en utilisant des tramways à sustentation magnétique pour regagner de l’espace au sol au profit des piétons et des vélos. Ce n’est pas de la science-fiction. Pourquoi ne pas imaginer en même temps que de réurbaniser la petite ceinture, de la végétaliser. Bruxelles est l’une des villes qui compte le moins de mètres carrés de végétation en son centre et sur ses boulevards. Paris réfléchit actuellement à un vaste plan de verdurisation de 50 hectares au centre-ville. À Bruxelles, le problème se pose de manière identique. La végétation contribue à rafraîchir l’atmosphère de la ville par le phénomène d’écotranspiration des plantes. Elles diffusent le jour l’humidité qu’elles ont absorbée la nuit. Bruxelles est bitumée, bétonnée, empierrée. Aux plantations d’arbres dans les rues, on pourrait ajouter des balcons, des façades vertes, des potagers en toitures. Le tout contribuerait à rafraîchir l’été et protéger du froid en hiver, tout en stockant le C02 rejeté par l’activité humaine. Toutes ces idées figurent dans la réflexion sur Paris 2050. Bruxelles devra entrer, elle aussi, dans la troisième révolution urbaine. La première était celle de la création historique des villes, la seconde celle de leur étalement, la troisième est en cours, c’est celle de la bio climatisation. Bruxelles a enterré sa rivière après l’avoir transformée en égout. Je rêve de remonter le niveau du canal de quatre ou cinq mètres, par un système d’écluses, pour que l’eau retrouve une vraie place au centre-ville. L’eau, c’est la vie. Ce n’est pas par hasard si toutes les grandes capitales sont traversées par un cours d’eau…

Vos projets d’architecture épousent des lignes organiques où la courbe l’emporte sur la ligne droite. C’est un choix esthétique ?

L’angle droit n’existe pas dans la nature. Un architecte belge, Luc Schuiten, voudrait faire pousser les maisons comme des arbres. Moi, je ne vais pas aussi loin mais je nourris mon architecture des formes du vivant. Il faut s’inspirer au maximum de ce qui existe. Je dessine une maison spiralée parce que c’est mieux adapté à la ventilation naturelle. C’est ce qu’on appelle le biomorphisme et ça n’a rien d’utopiste. Airbus fait la même chose en s’inspirant de l’aigle des steppes qui relève les bords de ses ailes pour améliorer sa sustentation ! Je m’intéresse aussi à la bionique, qui observe la structure et l’intelligence de la matière. Dans mon projet manifeste de Dragonfly, une tour écoresponsable au large de Manhattan, la forme s’inspire de l’aile de la libellule et de sa nervurisation, dont la résistance est une merveille d’ingénierie naturelle. Je peux citer également la feuille de lotus, dont le revêtement imperméable naturel reproduit sur du verre permet de rendre tout nettoyage inutile. La ville de demain devra également prendre des leçons de biomimétisme, en se considérant comme un véritable écosystème, qui produit et recycle tout ce dont elle a besoin comme la forêt amazonienne. C’est ce que j’appelle les cités fertiles : des villes post-carbone, post-énergies fossiles, post-énergies nucléaires… où les immeubles génèrent leur propre énergie et recyclent leurs déchets. À Taïpei, je construis actuellement une tour à appartements de 120 mètres de haut bioclimatique. Elle va s’étendre sur 45.000 mètres carrés, épousant la forme d’une double hélice d’ADN. Elle sera terminée en 2017. Une pergola solaire produira l’électricité des communs et son écosystème comptera 25.000 arbres, disposés tout autour et de haut en bas de la tour. Sa consommation énergétique sera la moitié de celle des autres immeubles de la ville.



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